dimanche 30 mai 2010

Le fruit de vos entrailles

Entre deux-mers
Vin blanc et crustacés
Sur le sentier, l’herbe foulée
A rendu la terre boueuse

Elle attend, jupon haut relevé
Les escaliers que la pluie allume
La voient passer
Dès que la cheminée fume

Sur le pont raviné par la vague
Il rassemble sa pêche
Epuisé, l’œil hagard
De son bonnet s’échappent les mèches

Ses yeux fatigués la contemplent
Elle, dont la robe découvre des jupons d’écume
Dans le vert apparaît le temple
L’esquif comme une offrande, une plume

Elle s’insinue, sournoise
Dans son cœur, dans la coque
Lentement remonte
Comme des bulles, éclate en surface

Il se noiera
Elle te maudira

Elle l’attire plus que toi, femme
De ta terre tu le retiens
Du fond de tes entrailles tu t’enflammes
Pour un enfant qu’il croit sien

Mais que valent ton foyer
La chaleur de ta peau
Face à l’antre salé
La belle poisse de l’eau

Elle le veut, le désire
Entre ses cuisses, elle amasse les épaves
Vorace, les veut détruire
L’écume aux lèvres, la bave

Sirènes et filles de la mer servent son obsession
Pêcheur tend ton cou vers le bourreau
Ta passion se mue en déraison
Sur l’île tu échoues, sur le billot

Désir charnel marin
Pêché originel salin

Tentacule par dessus bord
Les hommes crient, le poisson frétille
Le bois cède à tribord
Déjà sur le pont le sang brille

Dans le chaudron, le bouillon brûle
Les yeux ouverts sous sa mantille elle voit
Ton corps disloqué, les marins qui hurlent
Son ennemie, ta maîtresse en joie

Le lit accueille le corps d’un autre
Tandis que les poissons partagent
Ceux qui étaient les vôtres
Qui a dit que la pitié surnage ?


Illustration
Edward Burne-Jones, The Depths of the Sea (1886)

Je suis heureuse d'associer ce poème, écrit un temps où je travaillais sur le monde de la mer en archéologie, et cette toile de Burne-Jones que j'ai pu admirer lors de l'exposition dédiée au peintre en 1999 au musée d'Orsay. Ce tableau m'a fascinée et continue de me hanter. Ce n'est pas seulement le sourire de la sirène, mi-triomphant, mi-coupable, mais le mouvement des corps, la détermination, le contraste plastique entre le geste et le flou, et les détails des fonds marins. Je trouve ici une audace picturale alliée à une audace du sujet et cette ambivalence du regard et de l'histoire fait la part belle à l'imagination.

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